Le 7 est l'avenir du XV

Faites le test autour de vous. Dites que vous allez voir un match de rugby à 7. Si vous êtes à Paris, précisez que vous allez vous déplacer en métro, que le trajet ne durera pas plus de vingt minutes. Vous avez une chance sur deux pour qu'on vous adresse un regard ébahi : « Mais Sète, c'est dans le Sud. » Exact. C'est dans le Gard, à 700 kilomètres de la porte d'Orléans. Expliquez calmement que vous parlez de rugby « qui se joue à sept personnes ». Pas de rugby à Sète.

Voilà le drame du rugby à 7. C'est un sport olympique depuis 2009. La Fédération française de rugby (FFR) a constitué un groupe d'élite qui vise la qualification pour les Jeux Olympiques de 2016 à Rio. Mais pour l'instant, tout le monde s'en fiche.

Pourtant, le 7 a tout pour devenir le nouveau XV. Plus d'ambiance, de spectacle et de vitesse, un public qui se déguise et fait la fête comme si c'était les férias, des télés à l'affût, des rugbymen, des vrais, mais encore plus affûtés.

Par ailleurs, le rugby à 7 est déjà géographiquement plus implanté que le XV. Il existe de la Nouvelle-Zélande au Brésil en passant par le Kenya, l'Europe et la Chine. Les nations historiques du XV jouent au 7. D'autres jouent au 7 et c'est le seul rugby qu'elles connaissent.

Au 7, le jeu va très vite. Le développement de la discipline s'accélère. Mais prenons le temps de faire sa connaissance.

I

De la boucherie aux Jeux Olympiques

L'histoire du rugby à 7

Au départ, le rugby à 7 (et pas à VII) c'est un sport d'artisans bouchers inventé pour remplir les caisses d'un club amateur écossais de rugby à XV. Loin de la noble création du XV dans les plus prestigieuses écoles anglaises, le rugby à 7 a été inventé par des professionnels de la barbaque amateurs du ballon ovale à la fin du XIXe siècle.

1883. Ned Haid et David Sanderson, tous deux joueurs du club écossais de Melrose, tentent de faire éviter la banqueroute à leur équipe. Ses finances sont dans le rouge. L'idée est simple : organiser un tournoi de rugby. Mais, pour améliorer le rendement de l'événement, ils décident de changer les règles du jeu. Au lieu de jouer à quinze, l'effectif des équipes est divisé par deux et le temps de jeu réduit à 14 minutes par match (au lieu de 80). L'objectif de ces changements : faire participer le plus d'équipes possible pour augmenter le nombre de spectateurs. Sans le savoir, les deux bouchers viennent de créer une discipline qui, 126 ans plus tard deviendra olympique.

Sept équipes participent à la première édition du tournoi de Melrose, le 28 avril 1883. Le Melrose Football Club se hisse en finale et bat le Gala RFC lors d'un match mouvementé. Au terme des 14 minutes, le score est nul et vierge, 0 à 0. Les deux capitaines décident de jouer un nouveau quart d'heure. Mais, après cinq minutes de jeu, Melrose transforme un essai et revendique le titre de champion mettant en avant la règle de la mort subite. L'équipe de Gala conteste et veut joueur le reste du match. Confusion totale jusqu'au moment où l'arbitre de la rencontre décide de mettre un terme à la compétition sous les huées du public. Le club de Melrose devient le premier champion de rugby à 7 au monde. Et c'est une double victoire pour l'équipe car l'événement a séduit au-delà des espérances initiales. En tout, 1600 fans ont fait le déplacement payant. Le Melrose Football club est sauvé.

Sam Boyd Stadium, Las Vegas. 5ème étape du HSBC Sevens World Series.
Sam Boyd Stadium, Las Vegas. 5ème étape du HSBC Sevens World Series.

S'il a su très vite s'en distinguer, le rugby à 7 est bien le frère de sang du XV. Ses inventeurs ont simplement changé les règles de base. Pourtant, lors du tournoi de Melrose de 1883, le public n'a pas assisté à un match de pseudo-rugby ou de sous-rugby. C'est juste un autre rugby, plus mobile, plus rapide, plus inspiré, comme le montre dès 1883 le registre de John Simpson, joueur de Melrose. Simpson comprend vite que son équipe a besoin de le voir porter le ballon pendant de longues courses, enchainer les passes quand il ne peut plus avancer, accélérer les courses au moindre espace disponible, là où beaucoup, par imitation avec le XV, fonceraient tête baissée !

Aujourd'hui encore le tournoi de Melrose attire le public. Le 11 avril 2015 se jouait la 125e édition. Les Glasgow Warriors l'ont emporté devant 12 000 spectateurs. Il s'agit désormais de la deuxième étape du circuit « Kings of 7s », une compétition en dix tournois organisée par les clubs écossais de rugby à 7. Loin des 1600 fans de 1883, le tournoi de 2014 comptait 15 000 visiteurs. Cela reste aujourd'hui le plus gros événement sportif du sud de l'Ecosse. Si, aujourd'hui le rugby à 7 se pratique dans le monde entier, il faut attendre quasiment un siècle pour que le sport traverse les frontières britanniques. Ce n'est qu'en 1970 qu'un tournoi de rugby à 7 voit le jour sur un autre continent.

Dubaï, Hong Kong, Las Vegas. Si ce n'est les gratte-ciels, rien ne rapproche ces trois villes. La première a presque plus de buildings que d'habitants, la deuxième est la ville la plus chère au monde et la dernière accueille tous les accros aux jeux qui pensent faire fortune. Un seul point commun entre elles : le rugby à 7. Les trois villes accueillent une étape du HSBC Sevens World Series, le championnat international de 7 composé de neuf étapes, créé en 1999.

Les étapes du HSBC Sevens World Series

Les étapes du HSBC Sevens World Series

C'est un groupe d'Anglais expatriés à Dubaï qui décide de relancer le rugby à 7. Pendant vingt-cinq ans, les matches se joueront sur le sable du désert. Dubaï, c'est également le premier tournoi de rugby à 7 où les Français se font remarquer. En 1990, les « Toulouse Froggies », pourtant amateurs, battent les Fidji et remportent le premier trophée important de l'histoire du rugby à 7 français. On retrouve, dans l'équipe victorieuse, Thierry Janeczek, futur coach du groupe France de 1996 à 2010. Aujourd'hui, le tournoi de Dubaï est le plus grand événement sportif des émirats. Le nouveau stade construit pour l'événement en 2008 peut accueillir 50 000 spectateurs et n'a pas de mal à se remplir.

1972. Face au succès du Dubaï Sevens, le AAC Rugby club (Amsterdamse Atletiek Club Rugby) décide de créer un tournoi international de rugby à 7 aux Pays-Bas. Les Européens préfèrent rester fidèles au XV. Le succès n'est pas au rendez-vous. Quarante-deux ans après, le tournoi existe toujours mais ne sert que de préparation aux étapes européennes du Sevens World Series.

Des fans, tous déguisés en super-héros lors du London Sevens en 2010
Des fans, tous déguisés en super-héros lors du London Sevens en 2010.

1976. Création de ce qui deviendra le plus gros événement sportif du 7. Le Hong Kong Sevens naît de l'idée de Ian Gow et Tokkie Smith, deux businessmen, l'un anglais, l'autre sud-africain. Ils ont un but commun : promouvoir la version à 7 du rugby en Asie. Impossible ? Non, le tournoi de Hong Kong cartonne dès le début. Au départ, seules les équipes d'Asie pacifique peuvent prendre part à la compétition, mais la compétition s'ouvre à l'international pour assurer le spectacle. Dix ans après sa création, la France, sous l'appellation « French Barbarians », se hisse en finale du tournoi contre les Fidji. Là encore on retrouve Thierry Janeczek, décidément amoureux du 7. Malgré ses deux essais, la France s'incline.

Le tournoi de Hong Kong offre régulièrement de grands moments de rugby. Le dernier en date est la finale 2012 entre les Fidji et la Nouvelle-Zélande. 14-14 à la mi-temps. Retour sur le terrain. Les Fidji marquent très vite un nouvel essai. 21-14. Les All Blacks reviennent. 21-21. Pour peu de temps. Les Fidjiens reprennent l'avantage, 28-21. Deux minutes avant la fin du match, Bryce Heem relance les Néo-Zélandais grâce à un essai. Tout porte à croire que le champion sera désigné pendant la prolongation. C'est sans compter sur Waisea Nayacalevu… Il marque un essai à la dernière minute du match. Les Fidji l'emportent 35-28.

Match Fidji - France lors du Dubaï Sevens 2014
Match Fidji - France lors du Dubaï Sevens 2014.

1993. Le rugby à 7 est mûr pour prendre son indépendance. Il a droit à ses compétitions internationales. Après 110 ans d'existence, le sport est pris en main par l'International Rugby Board (IRB, soit la fédération internationale), aujourd'hui devenu World Rugby. Première décision : la création d'une coupe du monde de rugby à 7. La première édition se déroule logiquement en Ecosse. Le 16 avril à 10 heures du matin, débute le premier match de la première Coupe du monde. Les Fidji infligent une lourde défaite à la Lettonie, 42-0.

Beaucoup découvrent ce jour-là qu'il existe une version à 7 du rugby et que des équipes, inconnues en XV, se débrouillent avec huit joueurs de moins. La Roumanie, Hong Kong, Taïwan, la Namibie en sont quelques exemples. Deux jours plus tard, l'Angleterre est sacrée championne du monde après avoir battu l'Australie sur le score de 21-17. L'arbitre du match, Patrick Robin, est français.

La Coupe du monde se déroule tous les quatre ans. La dernière édition, en 2013, se sera déroulée en Russie. Elle a été marquée par un gros manque d'attractivité. Les stades étaient vides. Cet échec, ajouté au fait que le rugby à 7 devienne olympique, a signé l'arrêt de mort de la compétition. Le dernier champion du monde est la Nouvelle-Zélande, comme au XV !

L'indépendance du rugby à 7 par rapport à son grand frère du XV est portée par les Sevens World Series, un championnat international où les équipes nationales concourent à travers neuf étapes organisées sur les cinq continents.

2016. La France en course pour une médaille olympique ?

Le 9 octobre 2009, les membres du Comité International Olympique (CIO) votent, lors de la 121ème session, à Copenhague, l'entrée du rugby au programme des Jeux Olympiques 2016. A Rio de Janeiro, sera sacré le premier champion olympique de rugby à 7. Avec cette nouvelle avancée pour le sport, notamment due à Bernard Lapasset, président de World Rugby, la FFR décide de créer un groupe France avec pour objectif la qualification aux Jeux. Ils sont dix-sept joueurs à ambitionner de représenter les Bleus et leur discipline à Rio de Janeiro. Tous viennent du XV, ce grand frère qui continue à faire de l'ombre au 7.

II

Sentez la différence !

Le 7 vs Le XV

Le rugby à 7 et à XV se définissent volontiers comme des frères. Mais les règles qui encadrent les deux variantes ne privilégient pas les mêmes phases de jeu. Au XV, le jeu démarre par des séquences arrêtées, auxquelles les règles font la part belle. Le règlement du Sevens assume un sport résolument tourné vers l'absence de temps mort et l'intensité du jeu. On peut parler de deux philosophies radicalement différentes.

La durée du match : ça va cinq fois plus vite

Les 80 minutes si chères au rugby à XV, c'est interminable aux yeux du 7. Au Sevens, un match n'en dure que 14 avec seulement une minute de pause à la mi-temps. Dans les finales des grandes compétitions, on pousse à 20 minutes pour le match et deux pour la pause. A peine le temps d'avaler quelques gorgées d'eau et de changer de camp.

Puisque le temps additionnel n'existe pas, la dernière action doit obligatoirement se terminer pour que la fin du match puisse être sifflée : ballon mis en touche, essai, ou faute.

Une prolongation de deux fois 5 minutes sans pause est prévue en cas d'égalité à la fin du temps réglementaire. Elle prend fin dès qu'une équipe marque. A XV, la prolongation va au bout, le nombre d'essais départage les équipes, puis éventuellement des tirs au but si l’égalité perdure. Le faible temps de jeu oblige non seulement les joueurs à faire la différence rapidement mais aussi à répéter les efforts sans avoir la possibilité de se reposer quelques instants.

Les postes : deux fois moins de monde, deux fois plus d'espace

Mêlée entre les Etats-Unis et l'Australie lors de l'USA Sevens 2009
Mêlée entre les Etats-Unis et l'Australie lors de l'USA Sevens 2009.

A 7, huit postes disparaissent de la feuille de match. En plus des trois avants (au lieu de huit), la formation est composée de quatre arrières avec le demi de mêlée, véritable organisateur du jeu, épaulé par un demi d'ouverture qui use de ses qualités au pied comme principal atout. Derrière eux se trouvent le centre et l'ailier. Leur rôle est de déborder l'adversaire en phase offensive et de constituer les derniers remparts avant l'essai adverse sur le plan défensif.

Comme au XV, chaque poste exige des aptitudes spécifiques. Pour les piliers et le talonneur on recherchera notamment la qualité d'impact, de plaquage, les interceptions, la détente et la résistance aux chocs. En ce qui concerne le demi de mêlée et le demi d'ouverture, on accordera une attention particulière à la vision de jeu, à la précision des passes et du jeu au pied. Enfin, le centre et l'ailier doivent faire preuve de vitesse, d'endurance et d'agilité.

Les postes sont cependant beaucoup moins rigides qu'au XV et chaque joueur de Sevens doit être particulièrement polyvalent afin de s'adapter à un autre rôle.

Pour pallier les éventuelles blessures, seuls trois joueurs de l'équipe peuvent être remplacés. (Pour plus de détails sur les postes du rugby à 7 vous pouvez cliquer sur les maillots dans le terrain interactif ci-dessous)

Le coup d'envoi : prime aux plus efficaces

C'est peut-être le point de règlement qui marque, symboliquement, le plus de différence avec le XV et la plupart des autres sports collectifs. Si vous venez de marquer, le règlement vous donne une cartouche en plus.

A XV, le coup d'envoi marque le début de chaque période et chaque remise en jeu après qu'une équipe a marqué. Le ballon doit parcourir au moins 10 mètres sur cette séquence. Dans le cas contraire, ou s'il sort en touche, il est rendu au camp adverse qui bénéficie d'un coup de pied de pénalité à hauteur de la ligne médiane.

Contrairement au rugby à XV, une équipe de 7 qui inscrit des points a le privilège d'engager au milieu du terrain par un coup de pied. Cela permet de remettre directement l'adversaire sous pression.

Les phases arrêtées : reines au XV, expédiées à 7

Le groupe France à l'entraînement en mars 2015
Le groupe France à l'entraînement en mars 2015.

Comme dans le rugby à XV, la touche et la mêlée sont toujours présentes dans le rugby à 7 mais avec un effectif réduit. Quand une touche intervient à 7 après que la balle a franchi les limites du terrain, la remise en jeu est généralement effectuée par le demi de mêlée. Dans le XV, ce rôle est attribué au talonneur. Le n°4 doit lancer le ballon dans un couloir généralement formé des trois avants de chaque équipe.

La mêlée est utilisée pour remettre le ballon en jeu suite à une faute mineure, mais elle se pratique à trois contre trois et non à huit contre huit. Le demi de mêlée introduit le ballon dans la mêlée formée des trois avants, aussi appelés les « gros » (le pilier gauche, le talonneur et le pilier droit) de chaque camp se tenant groupés par les épaules. Le talonneur, au centre, doit « talonner » le ballon vers l'arrière de la mêlée pour son demi de mêlée qui le ramassera et développera la phase de jeu. Les joueurs qui forment la mêlée doivent rester liés jusqu'à ce que le ballon soit libéré de la mêlée.

Très fréquentes dans le XV, les touches et les mêlées sont assez exceptionnelles en rugby à 7. Moins disputées qu'au XV, elles laissent rapidement place au jeu actif.

Aucun coup de pied arrêté dans le jeu à 7

Au Sevens, tous les coups de pied rapportant des points sont dit « tombés », c'est-à-dire qu'il faut laisser le ballon rebondir devant soi avant de le frapper. C'est le fameux « drop ». Le coup de pied arrêté avec usage du tee, petit socle sur lequel poser le ballon avant de tirer, est interdit. La pénalité, qui sanctionne une faute grave de l'équipe adverse, est toujours "tombée". La transformation, qui fait suite à l'essai, aussi. Là encore, le but est de perdre le moins de temps possible avant de reprendre le jeu.

Un membre du public tente un drop lors du Dubaï Sevens de 2010
Un membre du public tente un drop lors du Dubaï Sevens de 2010.

Les phases actives du rugby, tel est le véritable clou du spectacle dans le rugby à 7. Le règlement en est le garant.

Du fait de son format, le rugby à 7 implique une préparation physique aux antipodes de celle des quinzistes. Vincent Deniau et Paul Albaladejo, comme leurs coéquipiers en équipe de France, sont passés du XV au Sevens. Ils dissèquent un entraînement organisé en cycles qui associe combat propre au rugby et explosivité à la frontière de l'athlétisme. « Parfois tu te demandes si tu fais de l'athlétisme ou du rugby », lâche Vincent Deniau ancien troisième ligne aile à XV devenu pilier à 7. Plus que la qualité de ses passes, de ses plaquages, de son jeu au pied ou de son sens tactique, un septiste doit surtout savoir courir. « Le Sevens c'est plus dur physiquement car tous tes efforts sont réalisés en sprintant. T'es tout de suite dans le rouge et il est indispensable de savoir gérer son activité sur le terrain », ajoute-il. Même si son actuel poste d'avant est l'une des positions où le combat avec l'adversaire est fréquent, il explique que « quand tu es pilier à 7, les mêlées sont rares, tu es moins puissant qu'à XV mais on te demande surtout d'être explosif ».

Cette explosivité, il a pu la ressentir quand son corps s'est transformé en changeant de variante. « A un ou deux kilos près, mon poids a été assez stable quand je suis passé du XV au 7 », note-il. La différence est donc à chercher ailleurs. Selon lui, elle vient « des entraînements et des exercices de musculation qui ne sont pas les mêmes. A 7 ils permettent de devenir sec, affuté afin de courir vite et longtemps ». Quand des balises GPS sont apposées sur les joueurs dans le Sevens, les critères de courses sont observés en priorité. Vitesse maximum, durée des sprints, nombre d'accélérations, distance parcourue par minute. On ne parle pas ici de spécialistes des épreuves du sprint ou du demi-fond mais bien de rugbymen. Pour Paul Albaladejo, ailier du XV reconverti demi d'ouverture, le rythme de la préparation diffère également de ce que l'on retrouve chez les quinzistes. « A 7, nous n'avons pas de matches tous les week-ends, ça permet de récupérer après nos grosses semaines d'entraînement », assure-t-il. La routine du septiste français se traduit par des séances qui s'étendent du « lundi au vendredi avec parfois un peu de repos le mercredi ».

Afin d'aider les joueurs à supporter les décalages horaires et les longs voyages de leurs étapes des Sevens World Series, la préparation se base sur des cycles intensifs d'un ou deux mois, qui laissent place à une semaine plus calme juste avant le tournoi. L'objectif final est de « répéter les courses et les sollicitations pour pouvoir jouer trois matches par jour pendant les compétitions », affirme Albaladejo. Ce rugby qui mise plus sur l'explosivité que sur l'endurance, « c'est dur pour les corps et pour le mental », reconnaît l'ancien joueur de Dax, avant de conclure que « l'approche différente fait la beauté de ce sport ». Rugby 100 mètres ou rugby marathon, c'est au public de choisir. Depuis peu, en France on a le choix.

III

L'autre Marcoussis

Et la FFR créa le groupe France

« Le groupe France, il est fou. Mais en même temps, il est bon, il est humain. Parfois il fait des choses extraordinaires, mais il est simple, il est accessible ». Installé tranquillement dans le canapé délavé d'un café parisien, Terry Bouhraoua raconte le groupe France. « Son » groupe France pour ainsi dire, puisqu'il en fait partie depuis sa création, en 2009.

Il est alors le numéro 9 de l'ASBH, le mythique club de rugby à XV de Béziers. Malgré son passé glorieux et ses onze titres de champion de France, le club vient d'être relégué en Fédérale 1, la troisième division. Et malgré ses quatre saisons en Top 14 avec le Stade Français, Terry végète un peu. « Il y a eu un changement d'entraîneurs à Paris, et je n'étais pas dans les plans des nouveaux coachs, Christophe Dominici et Ewen McEnzie. Je ne jouais plus, et il me restait une année de contrat ». Il aurait pu rester à Paris, porter le blazer du Stade Français, toucher chaque mois son salaire confortable et attendre que l'année se termine. Mais à 22 ans, le demi de mêlée a des fourmis dans les jambes

Alors, quand Béziers lui propose de venir aider à la remontée en Pro D2, il fonce. « Pour l'aventure quoi », explique-t-il posément, quasiment à voix basse. « On m'attendait, et surtout, on m'attendait pour jouer. »

La saison régulière frôle la perfection, mais en quart de finale, l'ASBH s'incline à domicile. A la trappe, la remontée. Si la possibilité de griller sa carrière ne l'avait pas effleuré au moment de signer, l'échec de l'accession commence à le faire gamberger. « Un an en Fédérale, c'était pas grave, mais en enchaîner deux... Quand tu t'installes en Fédérale, c'est pas facile de t'en sortir. »

« Personne ne nous prenait au sérieux »

Le coup de téléphone de Frédéric Pomarel, entraîneur du groupe France nouvellement constitué, tombe à pic : « Il m'a dit que les résultats de l'équipe de France à 7 étaient moyens ». Ce que Terry n'ignorait pas : il était régulièrement appelé pour jouer à 7 quand il était sous contrat au Stade Français. « Il m'a aussi dit qu'avec l'entrée du 7 aux Jeux Olympiques, la FFR allait mettre les moyens nécessaires pour aller chercher une médaille et salarier des joueurs qui puissent se consacrer à temps complet au 7 ». Pomarel vient donc de lui proposer d'intégrer le groupe France, créé dans la foulée de l'annonce de l'arrivée du 7 dans l'olympisme en octobre 2009. Donc de signer un contrat avec la Fédération et faire ainsi parti des premiers joueurs de rugby à 7 professionnels en France.

Une signature, cela impliquerait de s'entraîner au 7 tous les jours au Centre national de rugby (CNR) à Marcoussis dans l'Essonne, pour participer à tous les tournois du HSBC Sevens World Rugby, le circuit mondial mis en place par la fédération internationale. L'objectif ultime: se qualifier pour les Jeux Olympiques de Rio 2016. « Et ça, c'est un putain d'objectif », lâche Terry.

L'équipe de France célèbre la victoire du Bowl au tournoi d'Australie en 2014
L'équipe de France célèbre la victoire du Bowl au tournoi d'Australie en 2014.

Si le système de salariat des joueurs par leur fédération paraît innovant dans le rugby français, c'est en fait une copie de ce qui existe déjà partout ailleurs. Nouvelle-Zélande, Australie, Fidji, Kenya : toutes les nations, des plus performantes aux plus modestes, ont adopté ce fonctionnement. Les fédérations salarient leurs joueurs de 7, qui ne se consacrent qu'au 7. Pas d'allers-retours dans les clubs, tout pour l'équipe nationale. Au CNR de Marcoussis, Paul Albaladejo, demi d'ouverture de l'équipe de France et présent dans le groupe depuis sa création confirme : « Depuis que les Fidjiens ont adopté ce mode de fonctionnement, ils ont une très grande équipe. C'est vraiment le système qui fait référence dans le monde du 7. »

« Ils pensent qu'on part à Dubaï pour faire la fête »

Vincent Deniau lors du tournoi de Dubaï
Vincent Deniau lors du tournoi de Dubaï.

Au début, la FFR tâtonne et propose aux joueurs un contrat d'un an. Un an, c'est court, et en cas d'échec, pas sûr de retrouver un club à XV. Mais encore une fois, Terry fonce. Il concède, le sourire aux lèvres : « C'était risqué comme proposition, mais de toutes façons, qu'est-ce que j'aurais pu avoir de mieux ? J'aurais pu signer en Pro D2 et ne jamais jouer... Ok... Là j'allais jouer des matches de très haut niveau à chaque tournoi, sur le circuit mondial ! »

Mais vu la réputation du 7, tout le monde ne s'est pas laissé convaincre aussi facilement que Terry. « A l'époque, ce sport était décrié », raconte Paul Albaladejo, qui a commencé à jouer pour l'équipe de France à 7 à 22 ans, alors qu'il était encore quinziste à l'US Dax. La raison? Les voyages à répétition pour aller jouer des tournois à l'autre bout du monde. « Il y avait une forme de jalousie je pense, rigole-t-il. A XV c'est un championnat, c'est tous les week-end que tu voyages, mais tu voyages en bus, en France, dans des bleds qui ne font pas toujours rêver ». Pour Terry, les voyages sont en cause, mais pas que. Le jeu y est aussi pour quelque chose. « Les anciens du rugby, ils ne comprennent pas ce qu'on fait. Ils pensent encore qu'on part à Dubaï pour faire la fête. Ils veulent des mêlées, ils veulent des touches, ils veulent des rucks… »

Paul Albaladejo lors du tournoi de Hong Kong en 2014
Paul Albaladejo lors du tournoi de Hong Kong en 2014.

Avec ces a priori, le recrutement est difficile pour la Fédération. Tant et si bien que la première saison, le groupe France de rugby à 7 est composé de … quatre joueurs ! Même pas de quoi former une équipe. Terry préfère voir le bon côté des choses et se dire qu'à quatre, l'aspect humain de l'aventure est plus facile à gérer : « Quand tu joues à XV, c'est un groupe de 35 mecs. Des fois tu joues, des fois tu joues un petit peu, des fois tu joues pas du tout. Quand t'es jeune, c'est pas facile à gérer ». A quatre, voilà donc un problème de réglé. Tout le monde joue, à chaque tournoi, tout le temps. En revanche, pour la crédibilité du projet, il y a une marge : « Là, c'est clair que les gens nous prenaient pour des fous ! Personne ne nous prenait au sérieux ! »

« Si personne n'y va dans ce groupe France, c'est sûr que ça va pas avancer »

Puisqu'à quatre, il est pour le moins compliqué de faire des entraînements collectifs de 7, l'accent est mis sur la préparation physique. « On meuble un peu », concède Terry. « Collectivement, c'est sûr, la première année on n'a pas trop progressé. En revanche, individuellement, on a beaucoup, beaucoup travaillé ». Les quatre pionniers - Terry Bouhraoua et Paul Albaladejo, qui font toujours parti du groupe ainsi que Camille Canivet et Jean Baptiste Bellanger, qui n'ont pas poursuivi l'aventure - sont donc de toutes les tournées, et sont à chaque fois rejoints par des joueurs de XV appelés ponctuellement. Mais rapidement, le groupe s'étoffe, pour arriver aujourd'hui à 18 membres.

L'équipe de France célèbre la victoire du Bowl au tournoi de Glasgow 2014
L'équipe de France célèbre la victoire du Bowl au tournoi de Glasgow 2014.

Parmi les recrues de la deuxième saison, Vincent Deniau, débarqué de l'US Dax en 2011 et aujourd'hui pilier et capitaine de l'équipe de France à 7 : « Moi quand je suis arrivé, on était six ou sept. Et puis, tu as toujours un ou deux blessés dans le groupe ». Mais même si, de son propre aveu, « c'était bizarre », il n'a pas eu peur de s'être engagé dans un projet périlleux. « Et puis, moi, j'aime bien les risques », annonce-t-il avec un grand sourire. Tiens, on a déjà entendu ça quelque part! Comme pour Terry, pas d'appréhension particulière, juste l'excitation des Jeux Olympiques, et l'envie de participer à la création de quelque chose : « Tu te dis que tu travailles pour le long terme. Si personne n'y va, dans ce groupe France, c'est sûr que ça va pas avancer! On apporte notre pierre à l'édifice ».

Mais malgré toutes ces belles intentions, l'équipe de France galère. Sur le circuit mondial, disputé par une vingtaine d'équipes, les victoires sont rares, et au classement final, les Bleus sont souvent autour de la dixième place. La saison dernière a été sauvée par un titre de champion d'Europe. C'est probablement ce qui fait dire à Paul que l'équipe de France « n'est plus une petite équipe, mais une équipe en développement ». Mais quel que soit le terme employé pour désigner les Bleus, leur qualification pour les Jeux de Rio va être compliquée. A deux étapes de la fin du circuit HSCB, la France est dixième, alors que seules les quatre premières places sont qualificatives pour les JO. Autant dire qu'il leur est impossible de se qualifier par ce biais.

Deuxième possibilité de qualification : le circuit européen, que les Bleus ont remporté la saison dernière. Le titre de champion d'Europe sera cette année synonyme de billet pour Rio. Ils sont tenants du titre. Pourquoi pas réussir cette année ?

S'ils échouent là aussi, il leur restera une dernière chance de décrocher leur ticket olympique, un ultime tournoi de rattrapage, qui sera organisé avant juin 2016, et dont le vainqueur partira au Brésil. Même s'il reste plusieurs options, rien n'est encore certain.

En cas d'échec, le rebond sera difficile. « Ça risque de gueuler un peu », sourit Vincent. Du côté de Terry, la réaction est beaucoup plus radicale : « Si ça fonctionne pas, on est presque tous cramés pour le rugby. Les gens ils vont dire : ‘voilà, on avait raison, ils sont partis faire la java pendant cinq ans, c'est des rigolos'. Si on rate, je vois pas pourquoi un club de XV viendrait nous rechercher là ».

« On ne se donne pas tous les moyens pour développer ce sport »

Alors que la France a adopté la même organisation que toutes les nations qui gagnent, pourquoi est-ce que ça coince? Au sein même de l'encadrement du groupe France, loin de Marcoussis et à voix basse, certains remettent en cause ce système pourtant efficace ailleurs: « Ça ne peut pas fonctionner, les joueurs sont en vase clos, ils ont besoin de respirer. C'est usant le 7, physiquement et mentalement. Il faudrait qu'ils soient licenciés dans des clubs et qu'ils ne viennent que pour les tournois. Là, ils se lassent… ».

Vue du stade de rugby à 7 de Dubaï
Vue du stade de rugby à 7 de Dubaï.

Sans aller si loin, certains joueurs n'hésitent pas à critiquer la Fédération, et le manque de moyens mis à disposition du 7 en France. Un triste soir d'hiver, froid et pluvieux, rendez-vous est donné à un des joueurs majeurs du groupe France. Une fois les premières politesses échangées, tout sourire, il balance : « Je pense qu'on ne se donne pas tous les moyens pour développer ce sport. Nous, on est l'équipe qui s'entraîne le plus souvent à Marcoussis, on y est tout le temps. Eh bien on joue systématiquement sur le terrain tout au fond, on a trois ballons usagés et pour avoir un T-shirt neuf, il faut galérer… »

Son sourire l'a quitté. « On voit bien qu'on n'est pas très bien considérés. On est dans un super cadre, et on a beaucoup de chance, mais il y a des petits détails, de temps en temps… » Et quand on le lance sur la communication de la Fédération, et la promotion du 7, il rit. Un peu jaune. « On a une étape du circuit européen organisée à Lyon. Je comprends que les gens ne viennent pas, c'est mal organisé, il y a personne… Même l'affiche elle te donne pas envie d'y aller! Ça évolue un peu, mais par rapport aux autres pays, on est à la traîne. »

Conséquence directe, le rugby à 7 reste confidentiel en France. « Ça me fout un peu les boules », lâche Terry. « Ce qui est moins évident, c'est le format. Quand tu vends le Top 14, c'est simple, il y a quatorze équipes, tout le monde s'affronte pendant la saison, après quarts de finale et tout le bla bla, il y a un champion, c'est réglé », sourit-il. « Nous on a neuf tournois et dans un tournoi t'as quatre vainqueurs. Ça a vite fait de partir en vrille! »

Mais que ce soit la faute à la Fédé, la faute aux joueurs, ou la faute à pas de chance, le résultat est là. Ou plutôt, ils ne sont pas là. « Pourtant, lache Terry, notre rugby est plus lisible que le XV. ». Ailleurs qu'en France, cela n'échappe à personne.

IV

Show haute définition

Un sport fait pour la télévision

Environ 5 milliards de téléspectateurs à travers 200 pays. Une audience cumulée à 40 milliards. Près de 20 000 journalistes sur place. Ces chiffes représentent l’impact des Jeux Olympiques de Londres en 2012. Ce devraient être les mêmes à Rio en 2016. C’est à cette foule que le rugby à 7 va s’exposer l’année prochaine. Passer du statut de sport boudé par le grand public, et même par les amateurs de rugby, à celui de sport olympique : c'est l'ambitieux pari tenté par la discipline en 2009.

« Avec les Jeux Olympiques, le rugby à 7 est entré dans une nouvelle dimension, s'enthousiasme Eric Bayle, directeur de la rédaction chargé du rugby à Canal +. En termes médiatiques, ça justifie un traitement éditorial qui auparavant était anecdotique ». Anecdotique est bien le terme. La compétition internationale de rugby à 7, les HSBC Sevens World Series, n'est diffusée en France que depuis… 2013. C'est la chaîne spécialisée du groupe Canal, Rugby + qui a acquis les droits.

Le groupe diffuse les différentes étapes du circuit, mais aussi les « highlights », à savoir les meilleurs moments du tournoi sur les chaînes Canal + Sport et Sport +. Pour ces highlights, Eric Bayle estime le nombre potentiel de téléspectateurs à 150 000.

« Le Sevens aura du mal à remplacer le XV dans le coeur des français »

En entrant dans l'histoire olympique, le Sevens n'espère pas devenir aussi médiatique que le XV en France. La mission est trop compliquée. Le poids des traditions est là, que ce soit dans le milieu des rugbymen ou dans celui du public. Pour Eric Bayle, « le Sevens aura du mal à remplacer le XV dans le coeur des Français ». Et donc dans celui des diffuseurs.

Il pourra au moins essayer d'agrandir la place qui lui est accordée. Et cela passera par son jeu, par sa folie. Lors des Sevens HSBC World Series 2013/2013, il y avait en moyenne 5,2 essais par match. En comparaison, il n'y en avait que 4,1 lors du tournoi des Six Nations 2014… Dans un match six fois plus long (80 minutes contre 14 minutes).

Nombre de minutes entre chaque essai
Nombre de minutes entre chaque essai

Une statistique fait mouche. Elle prouve que le jeu est moins haché à 7 : 40% des essais y sont le résultat d'une action qui a débuté dans la moitié de terrain de l'équipe qui attaque contre 30% seulement à XV. Il faudra du temps pour convertir tous les quinzistes de France et d'ailleurs. Mais ce spectacle ne les laisse pas indifférents.

Cette touche de folie dans le jeu se retrouve aussi en tribune. Chaque étape du Sevens World Series est l'occasion pour les supporters de faire le spectacle et de sortir les déguisements. Dans le stade, les Tortues Ninja se mélangent aux cow-boys et aux Power Rangers. Une ambiance de carnaval.

« Chacun essaye d'être le plus original possible pour passer à l'écran »

« L'habitude du déguisement vient des caméras, explique Pierre Vidal, président du club de supporters de l'équipe de France Bleus Sevens. Pendant les courts intervalles entre les matches ou les mi-temps, les caméras filment sans arrêt les tribunes et diffusent les images sur les écrans géants du stade. Petit à petit, le déguisement est devenu la marque de fabrique des tribunes du Sevens. Chacun essaie d'être le plus original possible pour pouvoir passer à l'écran. »

Chaque étape du HSBC World Series est une fête
Chaque étape du HSBC World Series est une fête

« C'est un petit atout de plus pour cette discipline », s'amuse Eric Bayle. Avec des tournois à Hong Kong, Dubaï ou Las Vegas, le public n'est pas toujours initié au XV. « Cela aide le Sevens à séduire les pays qui ont d'autres priorités sportives », confirme le président des supporters français.

Hong Kong est l'étape des World Series qui symbolise le plus cet esprit. « C'est le tournoi de l'année », s'enthousiasme Paul Albaladejo, membre de l'équipe de France. « Pourquoi là-bas? Je ne sais pas, mais c'est vraiment une référence ». Organisé depuis 1976, c'est un des plus anciens tournois de Sevens. C'est aujourd'hui le plus festif. « 60% des gens viennent pour y faire la fête », confie le recordman de sélections en équipe de France.

L'ambiance est assurée en grande partie par le format de la compétition. Un tournoi sur deux jours avec 45 matches au programme. Des matches courts : 14 minutes. Les supporters de chaque pays sont alors mélangés. « Le XV n'a pas ce privilège, estime Pierre Vidal, qui a suivi près de 40 tournois de rugby à 7. Un tournoi des Six Nations, c'est très long. On suit cette compétition en tant que passionné de rugby ou parce que son équipe fait partie des équipes qui comptent. Quelqu'un qui n'y connaît rien peut être lassé par la durée du tournoi ou le format des matches. »

Le tournoi de Hong Kong, un véritable carnaval
Des supporters écossais en guerriers
Chacun essaye d'être le plus original
Les Tortues Ninja, une spécialité de Wellington

« Comme un feuilleton »

Avec ses neuf étapes à travers le monde, la compétition séduit aussi les diffuseurs par son format. « C'est un bon produit télévisuel, assure Eric Bayle, directeur de la rédaction rugby de Canal +. C'est un feuilleton que l'on a envie de suivre ». Un format qui se rapproche de celui des séries TV. Des tournois qui reviennent chaque année à la même période. Et des matches qui, avec les arrêts de jeu, durent en moyenne 20 minutes. Soit la durée d'une série courte américaine.

« C'est totalement adapté à une chaîne de paiement à la séance comme Rugby + », poursuit le journaliste. « Les gens peuvent venir voir l'intégralité ou picorer les moments qui les intéressent, comme les matches de l'équipe de France ».

De l'autre côté de l'Atlantique, ce format ne fait pourtant pas le bonheur de tous. Même si les Etats-Unis organisent une étape du Sevens World Series depuis 2004, la mayonnaise pour le rugby à 7 n'a pas encore pris. La faute peut-être à un sport pas assez proche des standards sportifs américains.

Dès 2016, une « Super Sevens League » sera lancée sur le continent nord-américain. L'idée : adapter les règles du 7 à la sauce burger. Finies les deux mi-temps de 7 minutes. En Super Sevens League, il y aura quatre quart-temps de 12 ou 15 minutes, avec une pause à la mi-temps de 6 minutes. Finis également les remplacements limités. Le turn-over pourra être total. Chacun des 14 remplaçants pourra faire son entrée lors des arrêts de jeu. Le championnat comprendra 12 franchises (10 aux Etats-Unis, 2 au Canada), comme dans la plupart des sports d'équipe.

En Amérique, le rugby à 7 adapte petit à petit toutes les recettes qui ont fait les succès des sports US.

Un match inaugural de Super Sevens a eu lieu le 31 mai 2014 à Philadelphie (Etats-Unis). Il opposait les joueurs issus du club de rugby d'Ontario Blues (Canada) et les New York Rhinos (Etats-Unis), une équipe montée spécialement pour l'évènement. Interrogé par Rugby Today après ce match expérimental, Morgan Findlay, arrière des Rhinos, dresse une forme de parallèle avec le football américain. « Le coaching est une composante clef : comment se servir de tes changements, quand les faire. Savoir quand le réservoir des joueurs est vide ». Un aspect que l'on retrouve moins dans le rugby à 7 traditionnel, ou seulement trois changements sont autorisés.

Ce nouveau format a surtout un objectif : rendre ce sport viable d'un point de vue commercial. Avec une mi-temps de 6 minutes et de nombreux arrêts de jeu, il y a une place toute trouvée pour la publicité. C'est également l'occasion de créer un réservoir de joueurs au sein du pays avec une ligue professionnelle. « Le côté négatif du Sevens dans son format actuel est qu'il ne se déroule que quelques week-ends dans l'année », explique Morgan Findlay. Il n'est pas certain que ce nouveau format passe les frontières. Il n'est pas certain non plus que le Sevens en ait besoin. Parmi la liste des nations qui ont participé aux six éditions de la Coupe du monde de Rugby à 7 aux cotés des nations traditionnelles de rugby, on compte le Chili, les Îles Cook, Taïwan, la Lettonie, le Maroc, les Pays-Bas ou encore les Philippines. Même dans ses rêves les plus futuristes, le rugby à XV n'imagine pas un plateau si universel.

.oOo.